30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 21:23

 

Les bides du Président

Ou

Les légèretés de la Guimauve

(Floris de Bonneville)

 

Je ne veux pas parler de son bide, de son ventre de sexagénaire bedonnant, mais du bide que notre mal-aimé Président vient de se prendre sur plusieurs plans.

 

Appel au drapeau

 

Premier bide : son appel au drapeau, ces trois couleurs qu’il avait abandonnées au profit du Front national alors que rien n’empêchait les partis les plus à gauche de les brandir. J’ai bien parcouru les rues parisiennes. Un drapeau sur cent, sur 500, sur 1000 appartements, avait été hissé aux balcons mais cela n’a pas empêché les télés aux ordres de faire un savant montage de films mis bout à bout pour donner l’impression à leurs téléspectateurs que les Parisiens avaient suivi massivement les recommandations de l’Élysée. Ce qui, évidemment, était une pure affabulation médiatique pour satisfaire l’ego présidentiel.

 

Hommage national aux victimes des attentats

 

Deuxième bide et pas des moindres : sa cinéscénie des Invalides. Une monstrueuse récupération. Enfin, une tentative de récupération politicienne. Une mise en scène ridicule digne d’un Jean-Paul Goude. Un discours d’une platitude ahurissante. Un ton de circonstance qui illustre parfaitement la maxime d’André Gide « On ne peut pas à la fois être sincère et le paraître ». Et le ridicule ne tuant plus, un fauteuil, que dis-je un trône, isolé de tous ses invités, face au vide des pavés de la cour des Invalides. On l’avait vu dans cette même cour illustre, se courber devant une plaque d’égout alors que le cercueil du malheureux soldat tué au combat était à dix mètres de lui, mais là, trônant seul devant les familles endeuillées par le terrorisme islamiste, il rappelait le dictateur coréen posant assis devant une armée d’officiers.

 

Pérégrinations à Washington et Moscou

 

Troisième bide : ses pérégrinations à Washington et Moscou pour tenter de rassembler sous sa baguette de chef de guerre les points de vue les plus opposés aux siens. Au Kremlin, sa persistance à vouloir éliminer Bachar (n’est-ce pas, François ?) m’a fait un effet pitoyable devant la fermeté affichée par un Poutine plus épanoui que jamais. Le résultat de cet entretien ? Laurent Fabius a renié trois ans de sa politique syrienne en admettant enfin qu’il fallait faire confiance à l’armée syrienne, pas la libre, la vraie armée syrienne. Poutine aurait-il raison de l’entêtement de son interlocuteur ?

 

Les dix acteurs majeurs de la COP21

 

Quatrième bide : la COP21 qui va rassembler à Paris plus d’une centaine de chefs d’État. Ce qui pourrait paraître comme un réel succès, car peu d’événements dans le monde permettent un tel rassemblement. La guerre à la pollution dévastatrice créée par l’homme mérite bien une messe, non ? Eh bien, là encore, tout laisse à penser que derrière les sourires de chacun de ces chefs d’État qui représenteront à Paris près de 7 milliards d’individus pollueurs, derrière les sourires affichés, aucune décision ne sera prise, car l’homme étant l’homme, rien n’arrêtera sa marche en avant à la consommation.

 

Ayoub El Khazzani - Amedy Coulibaly

 

Cinquième et le summum des bides : sa lutte bidon contre le terrorisme. Une lutte faîte de paroles débitées après chaque attentat par des promesses sans lendemain. Une lutte dont il se refuse à nommer le fondement. Il ne faut surtout pas fâcher la communauté musulmane, alors, interdit de parler d’islamisme et d’islamisation. Laissons entrer des milliers d’hommes seuls dont lui seul est persuadé qu’ils sont tous des saints envoyé par Mahomet pour nous donner la paix. Comme vient de le déclarer Alain Marsaud, fondateur du parquet antiterroriste : « J’ai honte de nos échecs… 15 ans de carences dans le renseignement de peur de stigmatiser les personnes surveillées… J ‘ai demandé au Président, à la suite de l’attaque du Thalys, de remettre provisoirement les frontières en place, etc. »

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 23:22

 

Coq en stock

Ou

L’éternel retour

(Jean-André Bossy)

 

« Nous vivons une époque où l'on se figure qu'on pense dès qu'on emploie un mot nouveau. »

Alexandre Vialatte

 

 

Lors des matchs de balle au pied, chacun peut toujours trouver matière à controverse, qui pour un hymne non chanté ou hué, qui pour une descente de bus manquée, qui pour un crachat, un coup de boule…

Aristide Leucate considère les stades comme les laboratoires de la « kosovarisation » de la France ; quant à moi, je suis surpris de l’emblème que portent encore les joueurs de l’équipe dite de France : un coq !

Mais que fait cet oiseau, ci-devant gaulois, sur des maillots français ? Il est bien entendu que « nos ancêtres les Gaulois » est un mythe aux relents nauséabonds, un fantasme de Zemmour. La France a toujours été une terre d’immigration, de métissage, fleurant bon le vivre ensemble et le « padamalgam ». D’ailleurs, trouvez-vous que Benzema ressemble à Astérix ? Confondriez-vous Sissoko et Vercingétorix ?

Alors, comment ce volatile a-t-il atterri sur les maillots de nos sportifs, des pousse-citrouille jusqu’aux gentlemen pratiquant un sport de voyous, mais aussi sur le Grand Sceau de France, sur le drapeau de la Garde nationale, sur le premier et second contre-sceau de Louis-Philippe Ier, et sur la pièce de dix francs République de 1986 ?

 

 

Comme dirait Vialatte, il remonte à la plus haute Antiquité, il est issu d’une boutade de légionnaires, voire de centurions. Les Romains se moquaient ainsi des Gaulois car gallus désignait le coq, tandis que Gallus, avec une majuscule, signifiait Gaulois. Le fameux gallus, gallī, 2e déclinaison, que tout le monde apprend lors des enseignements pratiques interdisciplinaires, c’est-à-dire sur un air de rap en jouant au basket. Le coq, considéré braillard et vantard par les Romains, devint l’emblème des Français, que nos rois adoptèrent par bravade, arguant qu’il s’agissait d’un volatile courageux, choisi, de surcroît, par Jésus pour révéler au petit matin le reniement de Pierre. Mais n’allez pas croire que les Français sont de religion chrétienne : tout faux, Morano ! Si Napoléon parvint à substituer la Saint-Napoléon à la fête nationale française du 15 août, héritage du vœu de Louis XIII qui consacra la France à la Vierge Marie (n’insistez pas, vous dis-je), il tenta mais ne réussit pas à faire remplacer le gallinacé par un aigle.

Bref, sur le maillot, nos hommes aux pieds d’argent, au jeu « nickel » (ou nos pieds-nickelés gagnant trop d’argent, je ne suis pas spécialiste) portent encore et toujours, avec la fierté qui s’impose (ou, à défaut, celle qu’il leur reste), le représentant mâle adulte des espèces galliformes. Nonobstant les polémiques sur l’héritage de nos ancêtres les Gaulois, de notre culture grecque et latine, de notre religion catholique, je suis étonné que les Femen et le ministère des Droit des femmes n’exigent pas illico presto le remplacement du coq par une poule.

Pour tuer la polémique dans l’œuf, j’indiquerai que le rapprochement des footballeurs avec une poule conduit invariablement devant un tribunal…

Dura Lex, sed Cocorico !

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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 23:19

 

Dans son roman

Six attentats un vendredi 13 ...

(Gwenael Bourdon) 

 

Julien Suaudeau

 

L'histoire de « Dawa », de Julien Suaudeau, ressemble étrangement au sombre scénario du vendredi 13 à Paris... L'auteur est sidéré par ces similitudes.

« Perturbant », « déroutant ». A l'autre bout du fil, Julien Suaudeau cherche ses mots pour exprimer son malaise. Celui d'un romancier rattrapé par la réalité, et la pire qui soit. C'est sur Internet, en suivant le match France - Allemagne, que l'écrivain français résidant aux Etats-Unis a découvert avec horreur les tueries du 13 novembre à Paris.

Mais à l'effroi s'est ajoutée la sidération. Car au fil des heures et des jours, le scénario des attentats s'est dessiné. Et il ressemble terriblement à celui que l'auteur avait bâti dans son roman « Dawa », paru en 2014 chez Robert Laffont. Julien Suaudeau y décrivait la préparation, par une cellule terroriste, de six attaques à Paris, prévues un vendredi 13, le tout sur fond de campagne électorale.

« Je n'ai pas réagi tout de suite, explique le père de famille, joint par téléphone à Philadelphie. J'ai d'abord été sous le choc comme tout le monde. J'ai pensé aux proches, aux amis. J'étais bouleversé, en colère, triste. Et puis j'ai compté le nombre d'attaques, j'ai repéré d'autres similitudes, peut-être moins frappantes : la présence d'une fratrie parmi les terroristes, et même celle d'une jeune fille originaire de la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois. »

D'autres que lui, lecteurs et journalistes, ont eux aussi été frappés par ce faisceau de coïncidences. Alors Julien Suaudeau prend soin de désamorcer toute interprétation farfelue : « Il n'est pas question de dire que j'ai écrit un livre prophétique ! Ni de penser que le roman a servi d'exemple aux terroristes. S'ils avaient lu ne serait-ce qu'un seul livre, le Coran dont ils se réclament, ils n'auraient jamais commis ces attentats. Je peux juste dire, sans être présomptueux, que Dawa était un roman vrai, fondé sur une connaissance précise de la société française, des banlieues aux beaux quartiers. »

 

 

« Dawa », roman d'un Français en colère

(Elise Lépine)

 

Les personnages du roman incarnent nos pires cauchemars. Un flic chargé de la lutte contre le terrorisme obsédé par une vendetta personnelle au point de mettre en péril la sûreté du pays. Des politiques assoiffés de pouvoir qui se laissent corrompre et ferment les yeux sur une apocalypse en gestation. Un terroriste. Algérien agrégé d'arabe, modèle d'éducation et d'intégration, mais rongé par des idées de revanche et par la haine de sa terre d'adoption, il a prévu de faire exploser, le vendredi 13 mars 2014, les cinq principales stations du métro parisien.

Il a recruté dans la zone de non-droit, de désert affectif et de ruine morale qu'est la banlieue quatre adolescents sans repères, semblables à tant d'autres. Semblables à ceux qui partent aujourd'hui pour faire le djihad en Syrie, relève Julien Suaudeau, auteur de Dawa : « Il faut regarder ce qu'est la vie dans une cité parisienne, lyonnaise ou lilloise, ou encore dans les campagnes françaises, où tout le monde se bat. Quand on est le dernier con qui reste, quand on n'a plus rien, on est vivant, mais on est mort. Pourquoi ne pas, alors, aller se faire exploser la tronche dans un pays lointain. »

 

 

Des deux côtés du périph'

Le roman est né de la colère de son auteur, Français expatrié depuis huit ans aux États-Unis, fatigué de retrouver la France toujours plus sinistrée, à chacune de ses visites au pays. Julien Suaudeau a 38 ans et une trajectoire d'homme libre, en actes comme en frontières et en opinions. Né en 1975 à Évreux, « sinistre chef-lieu de l'Eure, aplani par les bombes alliées en 1944 », il grandit entre un père coopérant dans l'armée et une mère surveillante de lycée, voyage au gré des mutations parentales : Alger, Évreux de nouveau, puis Paris, où il va intégrer Henri IV en terminale, avant de faire Sciences Po. Bon élève, peut-être malgré lui : derrière l'intelligence sourde, la révolte et ce qu'il appelle « l'explosion hormonale ».

Julien choisit la boxe pour se canaliser, entame alors sa progression dans un univers schizophrène : d'un côté les copains des salles de boxe, enfants d'immigrés désertant sporadiquement la banlieue pour expurger leurs pulsions sur les rings parisiens, de l'autre les amitiés BCBG cultivées sur les bancs d'école, enfants de bonne famille promis à un bel avenir. À travers les regards croisés de ses amis, Julien Suaudeau navigue d'un côté et de l'autre du périph', dans une France de plus en plus divisée, qui souvent le fatigue. Donc il s'évade, travaille un temps à l'ambassade de France à Bakou, juste avant l'an 2000, tombe amoureux de sa future femme, rentre à Paris, plante un DEA, se lance dans la critique ciné puis dans le documentaire : fin observateur, fieffé conteur, il raconte, entre autres, les arcanes du pouvoir en Côte d'Ivoire à la manière du Roi Lear pour Arte. Gonflé, poétique, singulier. Il se gorge d'images, stocke des histoires, s'aventure aux limites de la fiction et du réel.

 

 

Tailler dans le réel

En 2005, les banlieues flambent. Julien Suaudeau s'exile de nouveau, suit sa femme, universitaire, en Amérique du Nord : Vancouver, d'abord, puis Philadelphie. Là-bas, il se lance dans la démolition et la reconstruction de maisons. Un métier qui ressemble, encore, à ses obsessions : mettre le doigt sur ce qui tombe en ruine, jauger ce qui fout le camp, tailler dans le réel. Mais les images des émeutes, dernier souvenir que lui a laissé l'Hexagone, le hantent. À celles-ci se superposent ses conversations avec ses amis d'adolescence, restés à Paris et installés dans les destins qui s'annonçaient dès les années 1990 : haut placés en politique, ou en banlieue, toujours. Chaque confidence renforce chez lui le sentiment que, plus le temps passe, plus le pays se scinde. D'un côté son élite nombriliste, affamée de puissance, de l'autre les crève-la-dalle, mijotant à petit feu dans des prisons démographiques, hors-champ. Au milieu, le plus grand nombre, gavé de faits divers, une attaque de RER façon Far West, une émeute dans une gare parisienne, un jeune parti en Syrie pour le djihad, mais aux paupières et aux consciences scellées.

Un roman-choc

Dawa, fruit de huit ans de « rumination », puissamment ancré dans la réalité, violemment inquiétant, éminemment plausible, est un choc. Une lecture nécessaire, qui prend le pouls de notre époque et met en lumière les zones d'ombre de cette pétaudière que l'on nomme France. Il y a des romans d'exaspération, comme il y a des romans d'amour ou des romans d'apprentissage. Dawa est de ceux-là. « Je suis exaspéré par ce contresens absolu qui nous fait croire à un clash ethnoculturel entre la France blanche et chrétienne et la France issue de l'immigration, alors que les constructions identitaires résultent d'une bonne vieille lutte des classes entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors", résume son auteur. Dans Dawa, affirme-t-il, "toute ressemblance avec des personnes réelles n'est pas fortuite : elle est purement le fait de personnes réelles qui se comportent comme dans mon livre ».

Extrait

« Je pense que le problème de ce pays n'est pas de nature culturelle ou idéologique, mais sociale. (...) La réalité (...), c'est que les choses continueront à se dégrader, drones américains contre djihadistes, tant que dix à vingt pour cent de Français croupiront dans un état de misère morale et économique. Il n'y a pas de guerre des civilisations, l'islam contre les valeurs occidentales. Il n'y a que des pauvres, des culs terreux au front épais et à la gamelle creuse, dont la religiosité est un réflexe de fierté infantile, une tentative de reconquête de soi face à un consumérisme qu'ils identifient aux États-Unis et à Israël, parce qu'ils continuent à s'appauvrir pendant que la rente engraisse. Vous pouvez rire, mais croyez-vous que les talibans existeraient si le PIB des zones tribales était dix fois supérieur à ce qu'il est ? Éduquez-les, soignez-les, occupez-les, vous ne rencontrerez plus beaucoup de candidats au martyre et à l'émeute. » (p. 240-241)

 

 

La critique avait salué à sa sortie cet ouvrage à la fois sombre, minutieux et haletant, où se croisaient un professeur agrégé déterminé à frapper la France au cœur, un policier guidé par l'esprit de vengeance, une candidate ambitieuse, des jeunes des cités sur le fil. Julien Suaudeau y brossait le tableau d'une France mal en point, étrillant au passage les politiques et leurs petits arrangements. Mais il ne s'agissait « que » d'un roman, insiste-t-il : « Si j'avais voulu parler politique, j'aurais écrit une tribune ou un pamphlet. » Il l'a fait parfois, et aurait bien des choses à dire sur les mesures prises par le gouvernement français : « Fermer les frontières ou menacer de déchoir de leur nationalité des terroristes qui se fichent de leur passeport, ça ne résout rien. On a affaire à des Français qui attaquent des Français. »

Mais il s'avoue dépassé par la dimension nouvelle que prend « Dawa ». « C'est compliqué de voir que mon livre rencontre un tel écho. Je serais malhonnête de dire que je le vis bien. Mais je ne vais pas faire mine de m'étonner. Le sujet qui m'intéresse, c'est la violence du monde d'aujourd'hui. C'est cette violence qui donne une résonance particulière à cette fiction. »

Elle imprégnait aussi son dernier roman, sorti en août. Dans « le Français », le narrateur, un jeune provincial livré à la brutalité de son milieu, sans repères, prend insensiblement la route du djihad. Cela sonne aussi diablement vrai. Julien Suaudeau n'en tire ni vanité ni inspiration. Juste le sentiment terrible d'avoir touché juste.

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