Phèdre de Jean Racine
Jean Racine
Mise en scène de Michael Marmarinos
2 Avril 2013 à la Comédie Française
Au programme de la Comédie Française cette année, le Phèdre de Jean Racine est à l’honneur. Après avoir assisté à ce spectacle, Anthony a bien voulu nous dévoiler ses impressions.
Bonjour Anthony, avant que l’on aborde le sujet de la pièce en elle-même, peux-tu nous dire à quelle occasion tu t’es rendu à la Comédie Française ?
Autant te le dire tout de suite, l’idée ne venait pas de moi. L’étude approfondie de Phèdre et le travail sur les thèmes de la tragédie, et tout particulièrement la tragédie antique, figurent au programme de français de seconde. C’est donc dans ce cadre-là, qu’on s’est vu ouvrir les portes de la Comédie Française.
La Comédie francaise
Nous sommes beaucoup à avoir entendu parler de ce théâtre national et de sa fameuse salle Richelieu sans jamais en avoir foulé le sol. Quelles ont été tes premières impressions en pénétrant dans cet antre de la culture ?
Quand on entre dans un tel lieu, la première chose qui saute aux yeux, c’est le luxe. Rien à voir avec l’état habituel de nos classes. Tu pénètres dans un autre monde : tapis rouge qui t’accompagne tout au long des escaliers jusqu’aux balcons (4 étages), des dorures plein les murs, d’immenses colonnes et un lustre incroyable, on croirait être des stars. Il faut dire que la Comédie Française se situe dans le 1er arrondissement qui est un quartier bien connu pour son luxe.
La Comédie francaise - Salle Richelieu
A l’origine de la pièce intitulée Phèdre et Hippolyte il y a le dramaturge et poète Jean Racine. Avant d’assister à ce spectacle avais tu une idée de son œuvre et des thèmes qu’il y aborde ?
Comme je te l’ai dit, la pièce de Jean Racine était au programme cette année. Nous avons donc étudié les auteurs antiques dont Jean Racine s’est inspiré pour l’écriture de son Phèdre. Jean Racine était avant tout un dramaturge et les thèmes qu’il aborde sont ceux de la tragédie antique en général : Malédictions familiales, amours incestueux etc...
Afin de nous rafraichir la mémoire peux-tu nous rappeler le sujet de la pièce ?
Je vais essayer d’être clair. Phèdre est la femme de Thésée le roi d’Athènes. On apprend que sa famille est victime d’une malédiction dont l’origine remonte à l’époque où son grand-père (le Soleil) a révélé les amours coupables entre Vénus et Mars. Depuis, le sort s’acharne sur eux. Quand Phèdre est frappée à son tour, c’est en tombant amoureuse de son beau-fils Hippolyte, fils de Thésée et de la reine des Amazones, que la malédiction s’accomplie. Voilà tu sais tout, enfin le principal. Pour le reste il faut vraiment lire la pièce.
Elsa Lepoivre (Phèdre)
La pièce a eu un grand succès en son temps, comment expliquerais-tu que de nos jours elle demeure une des tragédies les plus souvent montée au théâtre ?
Si je voulais faire de l’humour, je te dirais que la réponse est dans la question. Sinon j’imagine que de nombreux metteurs en scène veulent se frotter à ce texte en faisant le pari d’en donner une version plus personnelle.
La tragédie à ses codes et il n’est pas toujours évident d’en saisir toutes les subtilités. Comment expliquerais-tu à un profane la manière dont sont construites ses pièces ?
La tragédie comporte des codes qu’il faut absolument respecter pour en faire une pièce vraisemblable. Quand on la joue sur scène, 3 règles sont essentielles pour le metteur en scène : la vraisemblance (l’histoire doit avoir un sens), la bienséance (ne pas représenter la mort ou toutes situation violente sur scène), et les 3 unités : le lieu (un seul lieu pour toute la pièce), le temps (l’intrigue ne se déroule qu’en une seule journée) et l’action (une seule intrigue). La tragédie classique (XVII-XVIIIème siècle) écrite a d’autres codes : une pièce en 5 actes, des vers écrits en alexandrins (12 syllabes). Tous ces codes, font des tragédies des pièces difficiles à créer ou à adapter pour les metteurs en scène.
Pierre Niney (Hippolyte) et Samuel Labarthe (Thésée)
Tu viens de nous expliquer la règle des « trois unités » qui renforce le drame dans le déroulement des évènements. Le fait que Michael Marmarinos situe la pièce à une époque plus récente, cela nuit-il à sa compréhension ?
Cela surprend c’est certain, mais cela ne nuit pas à sa compréhension. Au fond, les thèmes abordés sont intemporels. Cela demande cependant de la part de l’auteur d’être cohérent avec les choix qu’il propose. Je conseille quand même d’avoir lu la pièce ou tout du moins un résumé pour ne pas se focaliser sur certains aspects de la mise en scène.
Les tragédies se doivent d’être vraisemblables, cela reste-t-il vrai pour l’adaptation qu’en a faite Michael Marmarinos ?
Michael Marmarinos adapte la pièce, il ne la réécrit pas. Le texte est respecté, l’intrigue et son déroulement sont donc conformes à la tragédie de Racine. Chaque personnage étant dans son rôle, l’histoire demeure la même.
La passion et la culpabilité sont des ressorts de la tragédie. Mais en quoi un adolescent moderne comme toi peut-il se sentir concerné par la notion de fatalité ?
Dans la pièce, la fatalité est liée à la malédiction. C’est une notion que j’apparenterais à la croyance de l’époque, de la toute-puissance du jugement des Dieux. De nos jours je n’imagine pas un instant qu’une personne puisse être maudite par une quelconque volonté suprême. Par contre, on ne peut pas nier certains schémas que l’on voit se reproduire liés à une appartenance sociale, culturelle etc… Mais bon, admettre la fatalité c’est quelque part renoncer à agir. A mon âge cela serait désespérant non ?
Elsa Lepoivre (Phèdre et Oenone)
Dans le théâtre classique grec, le spectacle provoque souvent la terreur et la pitié, as-tu ressenti ce genre de sentiments en assistant à la pièce ?
Là encore, il faut resituer la pièce dans son contexte. A l’époque de la Grèce Antique, on accordait une place prépondérante aux Dieux et à leurs pouvoirs. Etre amené devant un tel tribunal supposait un risque au moins égal à la toute-puissance de ces juges. Il y avait de quoi être terrorisé pour le spectateur adepte de telles croyances. Aujourd’hui, cette peur n’existe plus, du moins au théâtre.
Maintenant que nous avons une idée plus précise de la pièce, on aimerait en savoir un peu plus sur les comédiens. Que désires-tu nous dire à ce sujet ?
Pour ce qui est de la grande tragédienne et tout ce qui s’en suit, je laisse ça à ceux pour qui la critique est un métier. D’ailleurs pour tout te dire, j’ai déjà oublié le nom des comédiens, c’est peut-être un aveu. A mon avis, être comédien de théâtre classique est quand même une chose particulière et je n’ai pas vraiment de référence pour pouvoir en juger. Maintenant, si tu me demandes s’ils donnent toute la dimension à leurs personnages, je dirais oui et non. J’ai bien retrouvé dans la pièce les personnages de Phèdre, d’Hippolyte et d’Oenone, mais pas pleinement celui de Thésée. Je n’ai pas retrouvé la vision d’un roi face à un drame mais simplement celle d’un homme. Ce qui me semble, compte tenu de son pouvoir supposé, ôte de la dramaturgie à son personnage.
Les principaux comédiens
Et que dire des décors et de la mise en scène?
Les décors peuvent paraître anachroniques : une radio est placée sur une table, alors que la scène représente une chambre avec un balcon, où sont présentes des colonnes rappelant la Grèce antique. Une épée, placée sur le sol au milieu de la scène dès le début de la pièce, sans qu’aucun des personnages n’y fasse allusion avant qu’elle n’y joue un rôle. Panope, la femme de chambre, qui mange un sandwich dos au public sans qu’on en comprenne la raison. Tu l’auras compris, pas vraiment ce que l’on peut appeler une mise en scène réussie.
Pour terminer ce petit entretien, je voudrais connaitre ton avis sur l’intérêt que l’on peut avoir à étudier des auteurs anciens.
Je vais répondre franchement, à mon avis aucun. Sacrilège n’est-ce pas ? Non, il faut être sérieux. L’étude des auteurs anciens est un passage que l’on nous impose pour mieux appréhender la littérature en général. L’école nous y oblige et nous nous y plions de bonne grâce en feignant l’enrichissement culturel. Mais sincèrement ce n’est pas l’ancienneté d’une œuvre qui en fait sa valeur. Prenons Phèdre par exemple, la valeur de l’histoire ne tient qu’au talent littéraire de celui qui l’écrit. Pour le reste, c’est une série B où le personnage principal, victime de ses pulsions, fait le malheur des autres en espérant préserver son innocence. Des auteurs plus récents pourraient tout aussi bien servir pour l’étude et la compréhension d’un beau texte.
Je te remercie Anthony d’avoir bien voulu répondre à mes questions. Je te laisse le mot de la fin en espérant que nous trouverons d’autres sujets pour renouveler l’expérience.
A bientôt pour de nouvelles aventures…
Phèdre - La troupe