12 juillet 2017 3 12 /07 /juillet /2017 00:12

 

Se vautrer sur le Lee

Ou

Les droits froissés

(Pierre Terrail)

 

Le drapeau sudiste

 

Affirmer que le drapeau sudiste est une bannière raciste ou que le général Lee est un nazi avant l’heure relève d’un anachronisme indigne.

Comme beaucoup de pays occidentaux, les Américains sont divisés sur l’attitude à avoir vis-à-vis de leur passé. Plus précisément vis-à-vis des restes (statues et drapeaux) de la guerre de Sécession (1861-1865) qui occupent encore l’espace public. Certains Américains réclament que les symboles des vaincus sudistes soient bannis de l’espace public puisque ceux-ci seraient « synonymes d’esclavagisme et de haine ». Plus d’une centaine de symboles ont ainsi déjà fait les frais de cette table rase, mais c’est aujourd’hui la bourgade de Charlottesville (Virginie) qui est en émoi : la municipalité démocrate a pour projet de déboulonner une très célèbre statue du général Lee (père et héros de la nation sudiste, puis partisan de la réconciliation) et de renommer le square où elle se trouve « Parc de l’Émancipation », cela « en mémoire des populations noires oppressées au sud ».

Sauf que, n’en déplaise à la presse pour qui la guerre commença quand « le camp esclavagiste, refusant d’abolir l’esclavage, avait décidé de quitter l’Union », le sujet est complexe. La guerre de Sécession n’est pas une guerre entre les gentils progressistes du Nord et les méchants racistes du Sud ; penser que les Américains ont choisi de mourir par millions pour les droits des Noirs, c’est partir d’un postulat erroné.

 

La guerre de Sécession

 

La guerre de Sécession est avant tout le point culminant d’un conflit séculaire entre deux modèles sociaux-politiques. D’un côté le Sud, agricole et conservateur, partisan d’une confédération d’États indépendants ; de l’autre le Nord, industriel et progressiste, partisan d’une fédération centralisée où les États doivent obéir au pouvoir central. Le débat européen avant l’heure, en quelque sorte…

Or, quand le Nord décida de taxer la production agricole du Sud pour le forcer à s’industrialiser, ce dernier refusa et annonça qu’il construirait ses propres ports afin de prendre son indépendance économique. C’est ce qui motiva les abolitionnistes nordistes, désireux de faire pression sur un Sud qui pourrait représenter un concurrent potentiel. L’abolition de l’esclavage n’est donc qu’un prétexte à cette guerre entre deux modèles de société.

Ce conflit joua un rôle fondateur pour l’identité des États du Sud. Tous leurs arrière-mondes culturels sont le fruit de cette résistance héroïque dans une guerre perdue d’avance pour la liberté et la défense de leurs traditions. Aujourd’hui, défendre ces symboles, ce n’est pas une façon de dire « Vive les Blancs et l’esclavage ! » Défendre ces symboles, c’est, au mieux, une marque de respect pour le sacrifice de leurs aïeux ; au pire une revendication politique néo-libertarienne qui signifierait « J’emmerde le gouvernement central de Washington ». Interdire aux États du Sud d’arborer leurs symboles, c’est nier leur culture et leur histoire par un jacobinisme mensonger et revanchard.

Ainsi, donc, affirmer que le drapeau sudiste est une bannière raciste ou que le général Lee est un nazi avant l’heure relève d’un anachronisme indigne. Qu’il soit aujourd’hui utilisé par des racistes ne fait pas du drapeau sudiste un symbole raciste, pas plus que le drapeau corse, utilisé par le FLNC, n’est devenu un signe terroriste…

Ce problème dépasse évidemment le territoire américain. Il n’est pas seulement question de défendre une statue ou un drapeau. Il s’agit avant tout de défendre notre histoire face aux déconstructeurs, face à ceux qui jugent du passé avec pour seul étalon le politiquement correct présent… Si nous relâchons notre vigilance, nous risquons bien de voir nos imaginaires décolonisés, nos statues déboulonnées et nos drapeaux arrachés. Car « l’Histoire est écrite par ceux qui pendent les héros », pour reprendre cette phrase qui ouvre le film Braveheart.

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commentaires

C
Très instructif, cette explication de la guerre de Sécession...je comprends mieux à présent les réelles motivations de ce conflit..<br /> <br /> Je connais surtout le caporal Blutch et le sergent Chesterfield...2 grands héros également...^^<br /> <br /> Bon dimanche !!
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W
Tu connais donc Arabesque, cette belle blonde à la croupe rebondie, pour qui coucher est une habitude ;O))
F
Je disais donc que les conflits cachent souvent les raisons qui les ont fait naître, que las raisons avancées, en direction du bon peuple, n'ont presque jamais rien à voir avec la vérité ( cf, par exemple, l'entrée en Irak des Américains), qu'il était nécessaire, quand c'était possible, de travailler à rétablir la réalité des choses ... .
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W
Je partage ton point de vue. A nous d'éviter d'être naïfs ;O))
F
Pas facile d'entrer chez toi. Ton système de sécurité, avec des tuiles à cocher; nous ferme le porte une fois sur deux. C'est casse-pied !
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W
Tu es le premier à me signaler le problème. Je vais essayer de voir ça.
G
C'est important en effet de relativiser.<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=q2sHitopr0E
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W
J’en connais un qui ne va pas tarder à la prendre, s’il continue. Avec tes conneries, j’en perds le Nord, j’suis complètement à l’Ouest. Avant tu étais plutôt l’Est et maintenant te voilà avec le Sud au cul ;O))
S
Moi c est bien sur autant en emporte le vent......................................c est plus romantique, quand meme sous le couvert de la guerre de cecession ...............ah!!!!!!!!!!!!!!!!!!!MMe scarlett ..............et Rhett Butler!!!!!!!!!!!!!!! et c est plus vite résumé mdr
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W
Je te reconnais bien là Lady Doriane. Tout le charme des belles du Sud. Rhett Butler pfffff !! Un simple aventurier buveur de brandy, une boisson de femmelette. Parle-moi plutôt de Ben Quick dans « Les feux de l’été » ;O))
L
Sweet home Alabama en quelque sorte. C'est vrai que rien n'est jamais simple et tu as parfaitement résumé la problématique. Je suis en train de lire tout James Lee Burke qui est un putain d'écrivain de "polar" américain et son héros du sud (Louisiane) n'a pas la moindre once de racisme. Par contre, ça suinte quand même dans ses bouquins. Certaines situations et certains individus sont ouvertement racistes. Mais comme chez nous en quelque sorte...
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W
De nos jours il faut éviter de poser des questions aux jeunes si la réponse correspond à une période antérieure à leur naissance car ils te diront bien souvent « Bin je n’étais pas né ! ». Si tu leur demande qui était Lee, ils te parleront de Bruce et si tu évoques Grant ils te diront Hugh et encore ;O))
S
Paul Newman?! quel bel homme ......................mais je n ai ,pas la culture cinematographique de M Willow donc je ne peux juger car je n ai pas vu le film par rapport a clarke Gable dont le regard et la moustache affolent encore la gente feminine!(enfin celles qui connaissent et cela doit etre rare ) mais on s eloigne du sujet
W
Hello, c’est cocasse que tu me parles de James Lee Burke, car justement je viens de commencer à relire la série avec Dave Robicheaux. Je me la refais dans l’ordre. J’ai terminé « Black cherry blues » et le prochain sera « Une saison pour la peur ». En ce moment je lis « Un arrière-goût de rouille » de Philipp Meyer. Encore un romancier américain qui vaut le détour. <br /> Pour en revenir au racisme, c’est une histoire vieille comme le monde, cela devient pénible à la longue. Quand un mec voit débarquer à sa porte des nuées de types, il se fout qu’ils soient noirs, jaunes ou blancs, ce qui l’emmerde c’est la situation que cela engendre. Si en plus on vient lui donner des leçons de moral, c’est le pompon. En accueillant tous ces migrants, on ne résout aucun problème, on en génère. Maintenant, si certaines personnes au grand cœur veulent les accueillir personne ne les en empêchera. Le problème c’est qu’ils veulent que les autres s’en chargent. En France, c’est fou comme on aime s’auto-flageller. Pour la pleurniche, on est les champions. Ce qui m’épate quand je lis certains commentaires, c’est de voir dans la même phrase une personne verser des larmes sur le sort des migrants et annoncer toute la joie qu’elle a de partir en vacances. On a de quoi se poser des questions sur la sincérité de telles déclarations, non ? <br /> Merci pour votre visite les Caphys et au plaisir ;O))<br />