10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 19:38

 

Quand devient-on gaulliste ?

Ou

L’inaccessible sommet

(Pierre Le Normand)

 

 

Pour ceux qui ont été au lycée quand le Général est revenu au pouvoir, pour ceux qui étaient à Normale Sup quand éclata mai 68, pour ceux qui votèrent pour la première fois lors du fameux referendum de 69, De Gaulle était à la fois l’histoire, le vécu des grands-parents et le Chef de l’Etat qu’il était difficile d’imaginer lorsque l’on rêvait de troquer le costume pour le jean et que l’on lorgnait sur les mini-jupes.

Pour cette génération qui avait failli partir en Algérie, qui manifestait contre la guerre du Viet Nam et qui souffrit de l’assassinat de JFK tout en étant ravie de voir monsieur K distribuer ses petits spoutniks à la sortie de l’église de Nice et d’accueillir Gagarine en entendant Bécaud chanter Nathalie, le Général semblait d’un autre monde d’un autre temps.

Ces jeunes Français rêvaient de Prague après n’avoir pas compris grand-chose à la chienlit et se disaient que demain la France serait leur comme le fut leur premier amour.

Le petit Livre rouge circulait dans les grandes écoles de la République, il y avait les fachos de science Po et les cocos qui tenaient le haut du pavé : tout était en ordre et chacun pouvait provoquer des joutes oratoires extraordinaires entre existentialistes, matérialistes et idéalistes.

Cette belle jeunesse française qui avait été sauvée par un vieil homme dont c’était l’habitude d’intervenir quand tout le monde se défilait, cette jeunesse-là était ingrate, comme sont ingrats les enfants qui ne comprennent que bien plus tard ce que firent leurs parents pour qu’ils vivent mieux qu’eux.

Les magnifiques DS avaient succédé aux antiques tractions, Ford émerveillait les jeunes à coup de Mustang et de Capri, les couleurs s’invitaient dans la rue qu’avaient déserté les militaires côtoyés quand on se rendait au lycée parce qu’un quarteron voulait prendre le pouvoir.

Ce fut l’époque où le général voulu que de jeunes lycéens apprennent le russe car il entendait renouer avec son allié russe qui lui fut fidèle, même à Baden-Baden, ce fut l’époque où la force de frappe qui coûtait si cher était le garant de notre indépendance quand les soldats américains eurent déserté les bases aériennes et militaires qu’ils tenaient depuis la Libération.

Il aura fallu que cette immense liberté débouche sur une immense mutation de notre pays et de notre société pour que nous prenions conscience que c’était bien l’œuvre de De Gaulle qui aurait pu se contenter de sa retraite à Colombey.

 

 

Ceux qui le haïssaient le plus, ses pires adversaires furent les mêmes qui reconnurent en le chef de la France Libre leur sauveur qui sut réunir tous les Français pour reconstruire un pays humilié, meurtri, détruit.

Son porte-parole, André Malraux, révolutionnaire à ses heures instituait les maisons de la culture qui dérangèrent le bourgeois. Les capitalistes qui travaillaient pour le pays dans le respect des travailleurs étaient choyés. Les autres méprisés. La société que voulait le chrétien De Gaulle était celle du partage, celle de la redistribution des biens en fonction de l’initiative et de la contribution au développement de la France.

Oui, De Gaulle savait être dur avec ceux des extrêmes comme avec les mous du socialisme qui avaient conduit à la défaite et aux combines politiciennes.

Oui, De Gaulle était au-dessus des partis et avait pour maîtresse notre pays qu’il confiait à tous les hommes de cœur et de vertu qui partageaient sa dévotion.

Son élégance, son humour, ses facéties, sa grandeur le monde entier les mesura et du coup, la France était redevenue un grand pays qui compte quand il parle.

C’est au fil de ces réflexions, au fil de cette revue historique, au fil des années qui passent que l’on devient gaulliste en acquérant cette intransigeance qui conduit à mépriser ceux qui s’amusent dans leurs simagrées à se dire gaulliens.

Ils n’en n’ont ni l’étoffe, ni la carrure, ni l’intelligence car ils se moquent comme d’une guigne de l’intérêt national, de l’identité de notre nation, de l’unité nationale à laquelle tout peuple aspire d’autant plus qu’il connaît les siens, ceux qu’il déteste comme ceux qu’il aime, ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, ceux qui ont leurs idées, comme on dit.

Et le peuple sait que pour faire une nation, il convient d’accepter et de respecter ses différences dès lors que tout le monde tire dans le même sens.

Charles de Gaulle a connu les trahisons, les manquements, il a connu la fidélité jusqu’à la mort, le respect que l’on a pour un chef sans songer à en faire une idole.

Charles de Gaulle ne connaîtra jamais le Panthéon. Il n’en a nul besoin. Il aura toujours préféré son terroir et sa Boisserie aux lambris de la République qu’il savait être ceux des régimes précédents et à venir.

Ses Mémoires d’Espoir sont inachevées, son rêve d’unité nationale s’est toujours heurté à la bêtise, à la félonnerie, à l’individualisme et au matérialisme vulgaire qui rongent la société et les hommes comme les grenouilles qui demandent un roi.

Et pourtant, jamais encore, en cette période de tous les dangers pour la paix dans le monde, en cette période de déchirures morales et économiques, autant de voix ne se sont élevées pour en appeler à lui, pas comme une incantation, mais comme l’incarnation des valeurs, des codes moraux et de la rigueur si nécessaires pour tenter d’enrayer le déclin de la France.

 

Charles de Gaulle n’est pas mort.

 

 

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