7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 19:02

 

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6 octobre 2015 2 06 /10 /octobre /2015 22:06

 

La solution Kadhafi

Ou

L'art de décaler les sons

(Bernard Lugan)

 

Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel serein des certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême des tribus de Libye désigna Saif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies forces vives de Libye...

 

Saïf al-Islam Kadhafi

 

Les abonnés à l'Afrique Réelle et les lecteurs me connaissant ne seront pas surpris par cette nouvelle puisque, depuis 2012, je ne cesse d'écrire :

1) - Que la pacification de la Libye ne pourra se faire qu'à partir des réalités tribales.

2) - Que le seul à pouvoir reconstituer l'alchimie tribale pulvérisée par l'intervention militaire de 2011, est Saif al-Islam que son père, le colonel Kadhafi, avait pressenti pour lui succéder, et qui est actuellement « détenu » par les milices de Zenten.

Mes analyses ne procédaient pas du fantasme, mais du seul réel qui est que :

1) - En Libye, la grande constante historique est la faiblesse du pouvoir par rapport aux tribus. Au nombre de plusieurs dizaines, si toutefois nous ne comptons que les principales, mais de plusieurs centaines si nous  prenons en compte toutes leurs subdivisions, ces tribus sont groupées en çoff (alliances ou confédérations).

2) - L'allégeance des tribus au pouvoir central n'est jamais acquise.

3) - Les bases démographiques des groupes tribaux ont glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour autant.

 

Les tribus libyennes

 

Le colonel Kadhafi fonda son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grands çoff libyens, à savoir la confédération Sa'adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar  du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa tribu. De plus, à travers sa personne, étaient associées par le sang la confédération Sa'adi et celle des Awlad Sulayman car il avait épousé une Firkèche, un sous clan de la tribu royale des Barassa. Son fils Saif al-Islam se rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa'adi par sa mère, il peut donc, à travers sa personne, reconstituer l'ordre institutionnel libyen démantelé par la guerre franco-otanienne. Mais pour comprendre cela, encore faut-il se rattacher à la Tradition lyautéenne des « Affaires indigènes » et répudier l'approche universaliste des « cerveaux à nœud » du quai d'Orsay.

Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont explosé; là est l’explication principale de la situation chaotique que connaît le pays. En conséquence de quoi, soit l'anarchie actuelle perdure et les islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations renouent des liens entre elles. Or, c'est ce qu'elles viennent de faire en tentant de faire comprendre à la « communauté internationale » que la solution passe par les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la constitution d'un Etat islamique et la justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre Saif al-Islam...

 

Association de malfaiteurs 

 

Le 12 octobre, avec son habituel sens de la clairvoyance, sa célèbre hauteur de vue et son immense connaissance du dossier, BHL expliquera certainement cette évolution de la situation libyenne aux auditeurs de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale) devant lesquels il doit prononcer une conférence de « géopolitique ». Il est en effet bon que les plus hauts cadres civils et militaires sélectionnés pour intégrer cet institut prestigieux, puissent écouter les analyses des experts les plus qualifiés...

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6 octobre 2015 2 06 /10 /octobre /2015 12:30

 

Le tragique et honorable héritage

De

Mouammar Kadhafi

(Françoise Petitdemange)

 

Alors qu’il est question d’un retour de Saïf al-Islam Kadhafi dans la vie politique et économique de la Libye, voici les faits historiques auxquels il va devoir faire face…

 

Saïf al-Islam Kadhafi

 

Mouammar Kadhafi n’a pas fait la Révolution du 1er Septembre 1969 tout seul. Ils étaient douze amis, pour la plupart issus de milieux pauvres, plus une centaine de civils et de militaires. Cette Révolution a été appelée « La Révolution blanche » parce qu’elle avait eu lieu sans effusion de sang (ce qui est rare dans l’histoire du monde). Contrairement à ce qui a été maintes fois dit… c’est le peuple libyen qui, au début des années 80, a accordé à Mouammar Kadhafi le titre de Guide révolutionnaire.

En 2011, c’est bien cette Révolution, qui s’était poursuivie avec le passage de relais de la RAL (République Arabe Libyenne) à la JALPS (Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste) ou État des masses, que les chefs d’États français (Nicolas Sarkozy), britannique (David Cameron), états-unien (Barack Obama) ont voulu détruire. Cette Révolution, malgré un long embargo de 1992 à 2003, avait conduit le peuple libyen à faire de la Libye, en décembre 2010, le pays le moins endetté de la planète. (La grande bourgeoisie occidentale, elle, n’a d’autre compétence que celle de mener les États à la faillite et de plonger les populations dans la misère ou dans les guerres…)

En 2011, c’est aussi, à travers cette Révolution qui trouvait progressivement des prolongements dans la création des États-Unis d’Afrique, la réelle indépendance et un véritable développement du continent africain qui étaient visés par ces trois chefs d’États français, britannique, états-unien.

 

Nicolas Sarkozy - David Cameron - Barack Obama

 

Durant ces sept mois de guerre, de mars à octobre 2011, il y a eu la chasse aux révolutionnaires et à leurs proches qu’il était question de détruire jusqu’au dernier… Khoueldi El Hamidi était visé dans l’attaque, de nuit, par les forces de l’Otan commandées par le lieutenant-général Charles Bouchard, de la villa familiale où de nombreuses personnes étaient restées pour dormir après une fête d’anniversaire de l’un de ses petits-enfants : le révolutionnaire est sorti indemne de ces bombardements ; son fils, Khaled, qui était allé voir deux amis en ville, était témoin, à son retour à Sorman, de la dernière explosion qui achevait de détruire la maison, et découvrait que son épouse enceinte et ses enfants, ainsi que toutes les autres personnes, parentes ou amies de la famille, avaient perdu la vie. Abou Bakr Younis Jaber a été assassiné en même temps que Mouammar Kadhafi et le fils de celui-ci, Moatassem Billah.

Durant ces sept mois, les journalistes mainstream ont découvert qu’il y avait des Libyens noirs… Cela n’a pas empêché certains d’entre eux de clamer que Mouammar Kadhafi était raciste ! Or, Abou Bakr Younis Jaber était un Libyen noir, et Mouammar Kadhafi et ses compagnons, au moment de faire la révolution afin de renverser la monarchie fantoche du roi Idriss 1er, ne s’étaient pas posé la question de savoir s’ils acceptaient ou pas les Noirs dans leur groupe. Les assassinats de Mouammar Kadhafi et d’Abou Bakr Younis Jaber ont été commandités : ce sont des crimes politiques, doublés de crimes crapuleux, triplés, pour Abou Bakr Younis Jaber, d’un crime raciste.

Aux manifestations des Libyens et des Libyennes, partout en Libye, contre la guerre, les groupes parlementaires français, sans distinction de droite ni de gauche, ont répondu, le 12 juillet 2011, en votant, comme un seul homme ou presque (excepté le parti communiste, mais de justesse…), la prolongation de trois mois des bombardements de l’OTAN sur le peuple libyen… (Une mention spéciale est à apporter aux écologistes qui ne sont jamais gênés par la pollution atmosphérique, environnementale, générée par les bombes dont ils savent que certaines sont munies d’ogives comportant de l’uranium appauvri.) Trois mois qui ont fait toujours plus de morts, toujours plus de blessés, toujours plus de destructions… Trois mois, le temps qu’il fallait aux trois chefs d’États occidentaux pour trouver Mouammar Kadhafi et le faire assassiner.

 

M. Kadhafi - B. Obama, N. Sarkosy, T. Blair puis D. Cameron

 

Le Conseil des Tribus de Libye, qui représentait 2.200 tribus, s’était réuni plusieurs fois sous les bombardements et avait fait des déclarations contre cette guerre, notamment le 3 juin 2011 : de même que l’UA (Union Africaine), il a été complètement ignoré par les trois chefs de guerre qui devraient répondre de leurs décisions et de leurs actes devant la CPI (Cour Pénale Internationale) si celle-ci ne se faisait pas une spécialité de ne juger que les chefs des pays de l’ex-Yougoslavie (Slobodan Milosevic), des pays arabes (Saddam Hussein) et des pays africains (Laurent Gbagbo, etc.).

Après la déstabilisation de la Tunisie (janvier 2011) et de l’Égypte (février 2011), les chefs d’États impérialistes-colonialistes avaient attaqué dans le même moment, en mars, la Libye et la Syrie. Il s’agissait d’empêcher la Tunisie et l’Égypte de porter secours à leur pays voisin, la Libye, et de mettre aussi la Syrie à feu et à sang. D’ailleurs, ces chefs d’États, qui voulaient faire condamner Mouammar Kadhafi par la CPI, réclament aujourd’hui la traduction devant la CPI de Bachar el-Assad pour crimes contre l’humanité. Mais quel tribunal jugera des crimes, bien réels ceux-ci, des chefs d’États occidentaux qui massacrent les populations civiles sous leurs bombes ?

Enfin, il y a des personnes en France qui sont opposées à ces guerres à répétition : Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Ukraine, etc. Si la liberté d’expression existait, des ambassadeurs de France en Libye, qui avaient vécu dans le pays au contact de la famille Kadhafi mais aussi de la population elle-même, auraient pu, en temps voulu, c’est-à-dire avant la guerre contre la Libye, apporter un éclairage sur ce qu’était le régime libyen : or, Christian Graeff, par exemple, n’a dû de pouvoir s’exprimer, au soir du 20 octobre 2011, sur France culture, en 4 minutes et 8 secondes (et encore, il faudrait enlever la présentation de l’entretien et les questions de l’intervieweuse…), qu’à la mort, le matin même, de Mouammar Kadhafi, de son fils, et d’Abou Bakr Younis Jaber…

 

M. Kadhafi et les dirigeants africains mandatés par l'Union africaine

 

Dans le flot des commentaires consensuels évoquant la mort d’un « tyran sanguinaire », une voix libre, soudain, tranche : celle de l’ancien ambassadeur de France Christian Graeff (à Tripoli de 1982 à 1985) interrogé au journal de la radio publique France culture.

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